Au troisième étage du bâtiment Dieulafoy, à l’hôpital Purpan, une photo en noir et blanc, est accrochée au mur de la salle d’attente d’hématologie. Jean-Jacques, est ici, pris dans la nasse de la maladie grave. Bérénice, son épouse est à ses côtés. Les mots leur manquent, mais la photo leur parle. Ils resteront longtemps à Dieulafoy et la maladie d’Hodgkin sera vaincue.
Mais, une fois revenus chez eux, à Carcassonne, ils garderont le souvenir ému de ce berger sous sa houppelande. Cette photo reste gravée dans leur mémoire. Ils n’ont rien oublié de ses détails. Bien sûr les mains ridées et sèches qui s’appuient sur un bâton, le visage aux traits burinés, la moustache tombante et la barbe naissante montrent que l’homme est un travailleur de plein air, usé et âgé. Mais ce qui en dit le plus long sur sa personne, est son regard, tant il a de profondeur et de sagesse. Il semble tourné vers l’avenir avec générosité, bienveillance et optimisme. L’optimisme, c’est peut-être cela aussi, qui a fait du bien à Jean-Jacques dans ses périodes de doutes.
Un jour, longtemps après, Jean-Jacques, en feuilletant un Pyrénées magazine, auquel il était abonné, va tomber sur le portrait du berger. Exactement le même qu’à Dieulafoy. Il dit à Bérénice : ‘’Tiens sur Pyrénées Magazine de ce mois-ci, il y a une photo de quelqu’un que tu connais’’. A sa grande surprise, Bérénice reconnaît ‘’leur berger’’. Dans une lettre écrite à la rédaction du magazine, elle explique sa rencontre avec ce portait et demande s’il est possible de se procurer un exemplaire de la photo. Sensible à ce courrier, un membre de la revue transmettra la lettre de Bérénice à Jean Dieuzaide, célèbre photographe toulousain, qui en 1954, avait pris ce cliché. Madame Jacqueline Dieuzaide, elle-même, après avoir pris contact par téléphone avec Bérénice, lui fera gentiment parvenir un exemplaire de la photo, accompagné d’une très belle lettre. . La photo sera encadrée, la lettre collée à son dos et le tout sera mis en valeur sur un petit meuble du salon familial.
Le 31 décembre 1999, c'est Jean Dieuzaide qui encore touché par le courrier de Bérénice, téléphonera pour présenter ses voeux de nouvel an à Jean-Jacques et Bérénice. C'est au cours de cette conversation téléphonique qu'il leur racontera dans quelles circonstances, et le temps qu'il lui a fallu, pour que la confiance s'installe, et que le Berger d'Arreau accepte enfin de se faire photographier.
Plus de vingt ans que la maladie d’Hodgkin a été vaincue, Jean-Jacques et Bérénice, ont vécu ces années tout simplement heureux, sans goût de luxe, sans objet ostentatoire, un peu comme leur berger, en jetant un œil bienveillant sur jeunes et vieux qui les entourent.
Et puis un jour, incidemment, sous la forme d’une banale douleur dorsale, la maladie est revenue. Les visites à Jean-Jacques tantôt en milieu hospitalier, tantôt chez lui, seront relativement fréquentes. L’homme dans la douleur et malgré sa déchéance physique donnera de lui, la même image que le berger. Comme lui, il sera immobile et impassible. Comme lui, il sera bien couvert, avec casquette et capuche, quand il sortira. Et surtout, comme lui, son regard restera empreint de bonté, de générosité et d’amitié.
Malheureusement, depuis, Jean-Jacques est parti. Il ne voit sans doute plus le vieux berger. Bérénice est restée seule avec sa photo. Quand nous lui rendons visite, le berger de Jean Dieuzaide est toujours à la même place, comme pour nous montrer le chemin, peut-être celui que Jean-Jacques aimait prendre, pour aller pêcher la truite dans les montagnes du berger…
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